Le cryotron, ou comment mimer les hivers sans neige ?

Communiqué Recherche, Culture scientifique et technique
le  24 octobre 2022
Cryotron, outil scientifique pour mimer les hivers sans neige
À quoi sert la neige ? Si nous l'empêchons de s’accumuler sur le sol, quelles seront les conséquences ? Les plantes et les organismes du sol auront-ils plus froid ? Manqueront-ils d'eau, d'éléments nutritifs ? Dans un contexte de réchauffement climatique, particulièrement marqué dans les Alpes, la question est importante...

Le cryotron, qu'est-ce que c'est ? À quoi ça sert ?

On pourrait croire que c'est le nom d'une espèce de dinosaure découverte récemment au Lautaret, mais non... ce n'est pas ça !

Le cryotron, c'est le tout nouveau dispositif expérimental du jardin du Lautaret. C’est un prototype réalisé à la demande de chercheurs afin de simuler et d'étudier les conséquences des hivers sans neige en montagne. Notre équipe de soutien à la recherche est fière d’annoncer le déploiement de cet outil, construit grâce aux financements d’AnaEE France et grâce à l'aide technique d'Ardae, une entreprise grenobloise spécialisée dans l’instrumentation scientifique.

Les milieux d’altitude subissent les effets du réchauffement climatique de manière très amplifiée. Ces milieux sont normalement recouverts par le manteau neigeux une bonne moitié de l’année. Cette couverture neigeuse joue un rôle essentiel et structurante pour les écosystèmes alpins. Elle les isole des températures négatives de l’hiver en maintenant celle du sol aux alentours de 0°C. Mais avec le réchauffement climatique, les hivers sans neige ont tendance à se multiplier, privant les écosystèmes de leur protection face aux faibles températures. L’alternance de période de gel intense et de dégel, auxquels sont soumis les sols dans les Alpes, va probablement perturber les communautés végétales et microbiennes, qui ne sont pas adaptées aux températures négatives. Le cryotron permet d’anticiper et d’étudier les effets engendrés par le déficit d’enneigement en montagne.

La construction du cryotron a démarré au printemps 2021, pilotée par Pascal Salze, assistant ingénieur au jardin du Lautaret. Les chercheurs Jérôme Poulenard du laboratoire Edytem (USMB, CNRS), Jean Christophe Clément du laboratoire Carrtel (USMB/INRAE), Philippe Choler du laboratoire LECA (UGA/CNRS/USMB) et Nicolas Bonfanti, leur étudiant en doctorat (USMB), ont établi les protocoles d’études. L'expérience est nommée Colder soils in a warmer world (Des sols plus froids dans un monde en réchauffement). Elle consiste à prélever à 2 000 mètres d'altitude, 18 carrés d'alpage en « monolithes » de 40x40 cm par 30 cm de profondeur et de les transplanter à la même altitude dans le cryotron du jardin du Lautaret. Le cryotron est divisé en 3 placettes de 16m2. Six carrés d'alpage ont été transplantés dans chacune de ces placettes. La première est équipée d'un toit rétractable, qui se ferme automatiquement lorsque les capteurs détectent la pluie et une température inférieure à 1,5°C. Elle est donc sous « atmosphère contrôlée ». C'est une placette où il ne neige pas. Les deux autres placettes sont, quant à elles, à ciel ouvert. Les 12 carrés d'alpage qui s'y trouvent seront soumis aux aléas naturels. Se sont les « témoins » de l'expérience qui pourront permettre les analyses comparatives.

Décaissement de carrés d'alpages secteur du Lautaret
Décaissements des carrés d'alpage par les étudiantes et les étudiants des masters Dynamo et Écomont avec l'aide de l'équipe du jardin du Lautaret.
Zoom sur un carré d'alpages prélevé
Zoom sur l'un des carrés d'alpage prélevé en monolithe.
Les décaissements d'alpage et les transplantations ont eu lieu en septembre 2022, au cours d’un stage de formation réunissant les étudiants des masters en écologie des Universités Savoie Mont-Blanc et Grenoble Alpes se destinant à une carrière dans la recherche. Les stagiaires ont également installé de nombreux capteurs, avec le soutien de l’équipe du jardin. Une partie de ces élèves participera aux différents relevés et aux analyses en laboratoire. Cette plateforme expérimentale va permettre à Nicolas Bonfanti d’étudier comment sont impactés les cycles biogéochimiques (carbone, azote et phosphore) par le déficit d’enneigement hivernal. Au cours de l’année 2023, les taux de minéralisation (activité des microorganismes du sol) et la productivité primaire (croissance des plantes) des différents carrés d'alpage seront analysés. Il pourra alors comparer les résultats entre ceux qui n'auront pas été recouverts de neige pendant l’hiver, grâce au toit amovible du cryotron et ceux qui seront recouvert par le manteau neigeux, comme lors d’une année « normale ».

Tranplantation des carrés d'alpage dans le cryotron
La transplantation des carrés d'alpage dans les 3 placettes du cryotron.
Cryotron avec toit rétractable en cas de chute de neige
Le toit rétractable du cryotron, en position fermée.
Comprendre et observer, dans un contexte de réchauffement climatique, les adaptations des plantes et la composition du sol qui accueille le système racinaire, les différents échanges minéraux et organiques est crucial. Les pelouses alpines accueillent à la fois une très grande biodiversité et sont essentielles au pastoralisme. Elles jouent un rôle important sur les flux de carbone, d’azote et d’autres éléments chimiques.
Publié le  10 octobre 2022
Mis à jour le  24 février 2023